
Impossible d’évoquer le country rap sans convoquer l’ombre imposante – jadis littéralement, désormais plus figurativement – de John Lee Smith, alias Big SMO. Entre Tennessee et Californie, ce colosse de l’hick-hop rural a vu le jour en 1976 du côté de San Diego, avant de rejoindre avec la famille le terroir de sa vie : la “Kuntry Ranch” de Unionville, spot mythique où l’accent traîne, les pickups grondent, et les refrains oscillent entre bitume et champs labourés.
Le parcours n’a rien d’un conte aseptisé. Après des débuts dans l’auto-production au début des années 2000 (Kuntry Kitchen, The True South), il explose sur YouTube avec “Kickin’ It in Tennessee” en 2010, vidéo virale qui pose les bases du personnage : flow trap, riffs sudistes, immersion dans une ruralité qui n’a pas peur de hausser le ton. Les majors flairent la nouveauté, Warner Bros. lui tend les bras, et le grand public découvre un nouveau croisement génétique entre Hank Williams, Run-DMC et la sauce barbecue. C’est l’album Kuntry Livin’ (2014) qui consacre l’artiste au panthéon des crossover improbables : Billboard Rap, Country, TV (via son docu-réalité “Big Smo” sur A&E), festivals sursaturés et collaborations avec Darius Rucker (le tubesque “My Place”, classé #49 country chart). Il se retrouve au fil du temps à partager des titres avec d’autres artistes country rap comme Upchurch, Alexander King, Kountry Carter, Good Ol’ Boyz …
Mais l’histoire n’est pas qu’une suite de montées sans fin. Au sommet de la vague, l’alerte cardiaque frappe peut-être plus fort que les critiques : en 2015, à seulement 39 ans, coup de massue – quadruple pontage, fin du whisky, adieu la “big life” de la scène et des excès. Celui qui raccourcit son nom de scène en SMO perd plus de 200 kilos (exit le Big), change de régime, mise tout sur la sobriété et la santé. Certains fans s’en vont, l’industrie passe à autre chose, mais l’homme assume la mue, quitte à briser le mythe XXL. “Je ne joue plus pour survivre, je joue pour vivre”, confie celui qui troque la scène contre un food-truck “Smolicious” où les fans découvrent désormais smoothies, salades et self-care à l’américaine.
Musicalement, Big Smo ne renie rien : l’hybridation est toujours sa marque, et chacun de ses albums (We the People, Special Reserve, This One’s for You…) porte ce sceau du croisement sudiste entre fête, galère, ras-le-bol et joyeuse célébration du “redneckhood”. S’il continue de sortir morceaux et albums à destination des puristes, son algorithme ne profite plus de la folie médiatique de 2014. Peu importe : “Chaque jour est un bonus. J’ai survécu. Et maintenant, je veux transmettre”, affirme-t-il devant ses fans et nouveaux disciples du bien-vivre.
En 2021 il publie son autobiographie « My Life in a Jar – The Book of SMO », qui aura droit à une version audio de plus de 3h10. Au fond, Big SMO/SMO, c’est la preuve que la country-rap n’est pas qu’une affaire de style : c’est une histoire de survie, de communauté, et de résilience. D’un hors-la-loi du gras à coach bien-être, il réussit l’impossible : fédérer, ringardiser les codes, et faire de la scène une véritable thérapie de groupe. Tel le refrain d’un morceau qui ne s’achève jamais, son parcours invite à s’assumer, à tomber (voire lourdement), puis à se relever en rappant plus fort et plus sain que jamais.
Discographie Big SMO
- 2002 – Kuntry Kitchen
- 2007 – The True South
- 2010 – American Made
- 2012 – Grass Roots EP
- 2013 – Backwoods Whiskey EP
- 2014 – Kuntry Livin’
- 2015 – Bringin’ It Home EP
- 2016 – We The People
- 2018 – Special Reserve
- 2019 – This One’s For You







