
Vous pensiez le country rap condamné aux marges ? Cowboy Troy, alias Troy Lee Coleman III, s’est chargé de pulvériser ce cliché à grands coups de flow texan, de refrains hétéroclites et de chapeaux XXL. Né en 1970 à Victoria, Texas, ce géant au stetson a troqué les rayons d’un Foot Locker de Dallas contre les feux de Nashville pour s’imposer, non comme une curiosité, mais un vrai agitateur. Sa particularité : la “hick-hop”, sorte de laboratoire musical où guitares et banjos côtoient boîtes à rythmes et punchlines, tout droit inspirée par The Charlie Daniels Band autant que Run DMC, ZZ Top ou Ray Charles.
Biberonné à mille influences — rock sudiste, country, rap old-school puisé chez LL Cool J ou Sir Mix-A-Lot, sans oublier quelques détours jazzy et des textes en espagnol — Cowboy Troy s’affranchit très vite des frontières. À l’université du Texas, où il empoche un diplôme de psychologie, il gagne son surnom grâce à sa panoplie de cow-boy hors-norme. Mais au fond de lui, l’ambition gronde : il compose, expérimente, et rêve de faire tomber le mur — invisible mais tenace — entre Nashville et le Bronx.
Le premier grand tournant, c’est évidemment la rencontre avec John Rich, futur pilier du show Big & Rich. Entre la scène locale de Dallas et les premières parties improvisées dans les bars, la rumeur enfle : derrière la casquette rap se cache un authentique storyteller “country”. Faut-il y voir la patte du destin ou simplement celle du “MuzikMafia”, ce collectif atypique (“Music Without Prejudice”) où la diversité est un principe cardinal ? Toujours est-il qu’autour de 2004, la réussite s’emballe. Rich et son acolyte Big Kenny l’invitent à rejoindre leur tournée, puis à injecter un rap multilingue dans “Rollin’ (The Ballad of Big & Rich)”. Résultat, le “black cowboy” se retrouve propulsé sur les planches des CMA awards, devenant seulement le deuxième artiste noir à fouler cette scène depuis Charley Pride.
Le coup de tonnerre ne s’arrête pas là. Forte de son succès en “guest,” Cowboy Troy signe chez Warner, publie “Loco Motive” en 2005 — un uppercut dans les bacs et dans l’industrie. N°2 du Billboard Country, “I Play Chicken with the Train” tourne en boucle et affole les plateformes de téléchargement. Les collaborations s’empilent : Big & Rich, Gretchen Wilson, Tim McGraw, Vanilla Ice… sans compter les passages télés, de la WWE à Nashville Star et même Dancing with the Stars (Dans avec les Stars), jusqu’au cinéma dans “Desperate Riders” en 2022.
Pourquoi Troy séduit-il ? Parce qu’il assume crânement de “rapper le vrai”, d’assumer ses racines et son éclectisme dans une industrie qui aime ranger, trier, cloisonner. Il brave volontiers le racisme à peine voilé de l’Amérique profonde, répond sur scène comme sur Fox News, et affiche une proximité sincère avec ses fans, confiant ne signer aucun drapeau confédéré par hasard. Pas un militant, mais pas un naïf : l’homme prend position, soutient ouvertement les Républicains, revendique une identité noire qui refuse toute victimisation et se glisse volontiers dans la controverse.
Côté discographie, difficile d’ignorer la succession d’albums hybrides. Ce sont autant de manifestes pour un genre qui piétine toutes les convenances, où l’on passe d’une ballade americana à un banger rap sans lever le pied du frein. Parmi les singles phares, l’incontournable “I Play Chicken with the Train”, “If You Don’t Wanna Love Me”, “Hick Chick”, ou encore “New Sheriff”, sans oublier sa participation à “Our America” avec Big & Rich et Gretchen Wilson.
Au fond, Cowboy Troy ne se contente pas de brasser la poussière des saloons, il a ouvert la voie à toute une lignée d’artistes “crossover”, noirs ou blancs, qui n’ont pas besoin de choisir entre banjo et beatbox. Si le genre hick-hop a trouvé sa place, c’est qu’entre deux formules choc et trois refrains “outlaw”, il a su garder l’essence même de la musique populaire : briser les frontières, raconter la vie, rassembler, s’amuser. Un vrai cowboy, quoi, mais version XXIᵉ siècle, avec tout ce que cela suppose de panache, de pluralité et de coups d’éperon sonores.
Discographie de Cowboy Troy
- 2002 – Beginner’s Luck
- 2005 – Loco Motive
- 2007 – Black in the Saddle
- 2009 – Demolition Mission
- 2014 – King of Clubs
- 2015 – Saloons on Neptune
- 2018 – Laugh With Me
- 2023 – Songs From the Piney Woods EP







