
Dès les premières mesures, une vérité s’impose : JustTrae cultive l’art de sublimer la douleur, de magnifier le doute et de transformer l’échec en hymne de combat. Originaire d’Hamilton, Ohio, fort de racines familiales s’étendant jusqu’au Kentucky et l’Alabama, il quitte ses terres natales pour s’installer à Indianapolis en 2018, déterminé à forger sa propre légende sur la scène indépendante. Son univers, volontairement inclassable, oscille entre hip-hop rugueux, uppercut trap, country-rap et éclats rock, comme une playlist dans un pick-up lancé sur une route déserte, où chaque couplet sert de caisse de résonance à des nuits de doutes et de renaissances.
La trajectoire de JustTrae n’est pas linéaire. Fan ultime de Ryan Upchurch depuis ses quinze ans, il rejoint fièrement le Creek Squad dès 2015, moins pour la posture que pour la résonance viscérale d’une musique qui épouse le réel. Les années charnières – 2015 à 2018 – sont le théâtre d’une succession de pertes, de bagarres intérieures, de deuils et de batailles mentales qui laissent des marques au fer rouge. Le rap ne fut jamais une simple planche de salut, mais la boussole retrouvée à force de gratter le papier et de chercher un sens là où l’enfance se brisait.
Cette identité, il la revendique. Solitaire mais jamais coupé du monde, JustTrae pratique l’autodétermination comme un art de vivre. Pas d’équipe, pas de raccourci : chaque projet, chaque beat, chaque mot sortent d’un studio façonné à la dure, résultats d’heures de travail dans la discrétion. La musique, pour lui, n’est pas un jeu d’ego mais un testament. Il clame qu’il ne court pas après la validation, encore moins après l’argent facile, préférant vivre de ce qu’il ressent vraiment. Les pointes d’agacement contre ceux qui galvaudent le genre sont aussi franches que ses paroles : là où certains chantent pour briller, lui chante pour survivre et ne rien trahir des siens.
Sur le plan musical, JustTrae cisèle un son hybride et frondeur, trouvant le juste équilibre entre l’agressivité du rap, la nostalgie country et la tension du rock. Les albums comme “Country Gold” et “Seven Days” témoignent de cette fusion, chacun portant son lot d’histoires où vulnérabilité et persévérance sont les maîtres-mots. Plus qu’un catalogue, c’est un carnet de route pour ceux qui, trop souvent, avancent la tête baissée dans les tempêtes.
Le morceau “Fight”, sorti en juin 2025, illustre ce génie de l’antagonisme : entre colère et détermination, il pose la voix sur une production tendue, mélange de trap offensif et de sample soul. Hymne cathartique des cabossés de la vie, il offre autant de colère que d’espoir, invitant à puiser dans la douleur la force du rebond. Toujours en 2025 il est l’un des seuls à prendre parti pour Upchurch (avec Hosier et The Crusader) dans la bataille qui oppose ce dernier à quasi l’ensemble de la scène country rap. Il finit d’ailleurs par réaliser son rêve et partager des titres avec son idole.
Si l’on devait résumer JustTrae, ce serait ce mélange rare de bravoure et de sincérité. Refusant la facilité, il revendique une trajectoire forgée à la sueur et à l’encre, sans filtre ni compromis. Et la sueur il en donne, il publie de nouveaux titres et projets sans relâche (12 courts albums, 3 EP … en à peine 3 ans). Le Creek Squad n’est pas qu’un badge, mais une fraternité forgée dans l’épreuve, où, contre vents et marées, chacun relève l’autre plutôt que de juger. Avec JustTrae, le rap retrouve la fonction première de la musique : rassembler les ratés sublimes, donner voix aux oubliés, rappeler que, sans authenticité ni endurance, les refrains ne survivront pas à la nuit.
Discographie JustTrae
- 2022 – Just an EP
- 2023 – The Bottom
- 2023 – The Grind
- 2023 – Life or Death
- 2023 – Me, Myself & I
- 2023 – 24 EP
- 2024 – One Light Town
- 2024 – Flowers Have Thorns Too
- 2024 – Faded Headlights
- 2024 – Confederate Underdog
- 2024 – Slums of the Trailer
- 2025 – Fast Lane
- 2025 – Seven Days EP
- 2025 – Country Gold
- 2025 – Slums of the Trailer 2







