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Lecture

Lire des livres : la rébellion analogique ultime

Lire rébellion analogique

Vous l’avez déjà peut-être expérimenté. Je parle de ce « moment sanctuaire » où le froissement d’une page tournée défie le bourdonnement incessant des écrans. Où le grain du papier sous vos doigts oppose une résistance bienveillante aux glissements numériques lisses. Où l’ombre d’une lampe de chevet trace des contours nets sur une couverture usée, loin des lueurs criardes et des lumières bleues qui nous happent sans relâche. Ce refuge tactile, niché dans le creux d’un fauteuil élimé, murmure une invitation à l’évasion lente, à travers des strates de mots qui s’empilent comme des remparts contre l’invasion invisible des pixels affamés. Lire des livres … et si ce geste ancestral, presque défiance physique, était la clé pour reconquérir un esprit assiégé par l’illusion du perpétuel mouvement ?

Plongez avec moi dans ce monde non saturé d’algorithmes voraces, où chaque swipe sur Instagram ou TikTok (ces abysses de dopamine calibrés par des IA impitoyables) ne nous enchaînent pas dans une économie de l’attention impitoyable. Ce carrousel infernal de distractions qui nous vole nos heures au profit de géants comme Meta, Google ou Amazon. Ici, la lecture physique émerge comme un acte de pure subversion. Une façon de claquer la porte au nez de ces publicités frankensteiniennes, ces pop-ups vicieux qui surgissent à la fin d’un e-book sur Kindle, proposant avec une précision glaçante le « prochain titre que vous adorerez », basé sur vos clics passés plutôt que sur une vraie affinité humaine. Prenez un volume et une édition similaire, comme Walden de Thoreau, avec ses chapitres immuables qui ne se métamorphosent pas selon vos humeurs algorithmiques : page 115 chez vous reste page 115 chez moi. Une stabilité bienvenue dans un univers où Netflix interrompt un film de deux heures pour vous vendre des abonnements empoisonnés d’inserts publicitaires, à l’image de Hulu ou Prime Video qui ont tous succombé à ce modèle hybride dégueulasse.

Cette rébellion n’est pas un caprice ; elle puise dans une résistance viscérale contre le tout-numérique qui nous traite comme des rats de laboratoire, nos données personnelles recyclées en leurres émotionnels pour nous pousser à l’achat impulsif. Souvenez-vous des débuts innocents de Netflix dans les années 2000, quand pour 7,99$ les américains recevaient des DVD par la poste. Une nouveauté rafraîchissante avant que l’abonnement ne devienne une toile d’araignée gluante, parsemée de pubs qui fragmentent notre temps sacré. Les livres papier, eux, échappent à cette nasse : pas de notifications intempestives, pas de chapitre suivant sponsorisé par un influenceur bidon. Edward Abbey, dans Le Gang de la Clé à Molette sorti en 1975, fustigeait déjà le consumérisme effréné avec ses éco-saboteurs dynamitant panneaux publicitaires et barrages. Sa plume acérée ferait sans doute encore des ravages en 2025, face à nos écrans omniprésents qui nous noient sous des titres rageux et putaclick, conçus pour nous indigner et nous garder scotchés, quelles que soient nos idées.

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Pourtant, cette opt-out n’est pas qu’une fuite ; c’est une musculation cérébrale, un entraînement progressif de l’attention qui transforme cinq minutes quotidiennes en une heure immersive sans effort apparent. Commencez par poser votre smartphone, passez votre tablette en mode avion, incapable de charger le web ou ces suggestions amazoniennes insidieuses. Et laissez le poids d’un roman comme Siddharta de Hermann Hesse, vous happer dans ses méandres d’une quête intérieure universelle. Bientôt, ces sessions de vingt minutes supplantent le scroll nocturne post-travail, remplaçant les reels éphémères par une engagement profond : on dissèque les thèmes, on forge de l’empathie pour des personnages, on médite sur des intrigues qui ne varient pas au gré d’un algorithme mais suivent la vision pure d’un auteur. Comme Stephen King, l’Américain le plus censuré aux États-Unis non pour ses scènes osées, mais pour ses portraits acérés des replis ruraux hostiles au progrès.

Les bibliothèques, ces cathédrales gratuites du savoir, incarnent le cœur battant de cette contre-offensive : empruntez dix ou quinze volumes à votre médiathèque locale de province (ou dans une boite à livres du coin), sans payer un centime. Juste la promesse d’un retour, un privilège introuvable ailleurs dans notre ère mercantile. Menacées de se voir retirer des fonds, budgets rognés et censure grandissante – des interdictions qui visent tout ce qui élargit les horizons. Par peur viscérale de perdre le contrôle narratif, elles restent des bastions humains où la recommandation naît d’une conversation sincère avec un bibliothécaire, pas d’une IA fouillant vos historiques pour vous refourguer des listes impersonnelles. Pensez à ces échanges authentiques, comme celui qui m’a poussé vers certains auteurs après avoir visionné ou lu des critiques passionnées. Une vraie connexion, infiniment supérieure aux « top 5 livres dev perso 2025 » régurgités à la planète entière par Claude ou ChatGPT, ces machines sans âme qui ignorent la subtilité de vos goûts, votre historique de lecture, l’évolution de vos centres d’intérêts au fil des années, etc.

Dans cette guerre pour notre esprit, les livres physiques opèrent une distinction cruciale : on n’y consomme pas, on s’y engage, comme dans une danse lente avec l’art. Oubliez les playlists Spotify remplies de morceaux de 2m30 ou les binges Netflix. Pour la plupart des lecteurs un livre de 250 pages exige quatre à six heures d’investissement concentré, forgeant une endurance mentale qui rend chaque session ultérieure plus fluide, plus facile. Cela pourrait vous amener à passer des centaines d’heures plongées dans un univers de votre choix (comme je l’ai fait avec le cycle de La Roue du Temps cette année). Prenez Guerre et Paix de Tolstoï ou Le Nom de la Rose d’Umberto Eco : leurs pages analogiques, exemptes de rabbit holes extrêmes ou de chapitres numérique modifiables à souhait, invitent à une interprétation personnelle, à un discernement libre des biais de l’auteur – même chez ceux dont les vues publiques contredisent leurs fictions. C’est cette liberté qui terrifie les censeurs : pas les ébats adolescents de King dans Carrie (1974), mais ses fresques sociétales qui démasquent les peurs ataviques, rappelant que la vraie terreur réside dans l’obscurantisme.

Et si l’on poussait plus loin cette insurrection tactile ? Imaginez troquer le feed Instagram, ce miroir déformant des vies manufacturées où l’on se compare à des façades pixelisées, contre le silence complice d’une lecture vespérale. Votre attention, musclée par la répétition, devient une forteresse. 30 minutes deviennent une heure, et voilà que le moment lecture du soir remplace le zapping télévisuel ou la dernière série à la mode dont vous aurez oublié 95% de l’action dans 6 mois. Les recommandations humaines – celles d’un libraire de Gibert Joseph à Paris, ou d’un commentaire YouTube vibrant – surpassent les suggestions froides d’algorithmes, car elles naissent d’une écoute réciproque, d’une compréhension nuancée de vos passions pour le polar, le bricolage ou la SF.

Cette rébellion s’étend à l’échelle sociétale : face à des plateformes qui nous infantilisent en nous nourrissant d’émotions préfabriquées, les livres restaurent notre pensée propre. Ils ne nous traquent pas pour nous revendre à des annonceurs ; ils nous défient de penser, de rejeter ou d’embrasser leurs idées. Comme dans 1984 de George Orwell (1949), prophétie d’une surveillance totale qui fait frémir en 2025 tellement l’ouvrage ressemble de plus en plus à une prédiction visionnaire. Les bibliothèques municipales, de New York à Lyon, symbolisent cette gratuité menacée : emprunts illimités sans pubs attachées, un contre-pied radical aux abonnements Hulu qui parsèment vos visionnages de spots indésirables. Protégeons-les, car elles sont les ultimes remparts contre l’uniformisation algorithmique.

Enfin, la prochaine fois que votre main hésite entre l’écran luminescent et un dos relié qui appelle, optez pour la seconde. Vingt minutes suffisent à sentir l’apaisement : l’esprit se recentre, l’empathie fleurit, et le monde numérique recule. Rendez-vous en bibliothèque ou chez un libraire indépendant ; demandez une perle récente, ou laissez-le vous recommander une lecture en fonction de vos critères. Votre attention, reconquise, vous rendra la pareille au centuple.

A lire : Ma liste des meilleurs livres d’Histoire Romaine.

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